samedi 25 juin 2016

                                  

                                

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lus de 14 siècles après sa naissance dans la péninsule arabique, l’Islam est devenu la  religion qui suscite le plus de controverse dans le monde entier. Cet état de fait est la conséquence des nombreuses interprétations auxquelles cette religion est soumise. Voilà donc un prétexte qui justifie amplement l’intérêt particulier que présente l’étude de l’histoire des différents courants qui constituent l’Islam.
Parmi ces tendances, le soufisme. Il retient singulièrement l’attention par son coté mystique et philosophique. Décrié et déprécié  par certains gens de la voie, le soufisme reste toutefois ignoré du grand nombre qui ne saisit pas assez sa quintessence : la <<haqiha>>.
Le soufisme a une histoire et une trajectoire qui l’amène jusqu’en Afrique noire où il compte bon nombre de ses adeptes. De l’Egypte au Soudan en passant par le Nigéria, le soufisme ou l’islam confrérique s’est étendu en Afrique par le biais de confréries comme la Tidjania, la Qadriya, La Karkaria, la Mouridiyya... Au Sénégal, la majeure partie de la communauté musulmane (94% de la population) est affiliée à ces différentes confréries. Assez méconnu mais très bien suivi, le soufisme à travers les confréries occupe une place importante dans la vie socio-politique des sénégalais.

                           

I/ Le Soufisme, courant de L’Islam sunnite
A l’instar de toutes les religions révélées, l’Islam connait des divergences d’interprétation survenu après la disparition du Prophète Mouhamed(Psl) en 632 sur le calendrier Grégorien. Deux principaux courants se revendiquent aujourd’hui de l’Islam authentique : le Chiisme et le Sunnisme.
Après le rappel à Dieu du prophète, le problème de sa succession s’était posé. Pour les chiites, le Khalifa revenait d’office à Ali gendre et cousin du prophète tandis que pour les sunnites qui étaient plus nombreux, il fallait faire valoir le droit d’ainesse  qui allait consacrer Aboubakr comme 1er khalife de l’Islam. Les chiites se disent donc suivre la lignée du prophète qui est sacrée au moment où les sunnites se consacrent à perpétuer la tradition prophétique appelée souna. 
Au sein maintenant de l’islam sunnite, on retrouve entre autres orientations le salafisme et le Soufisme.
Le Soufisme se définit comme un ésotérisme mystique qui se base sur deux piliers fondamentaux : la charia (loi islamique) et la haqiha (vérité intérieure). Mais ce qui fait la particularité du Soufisme c’est la haqiha. Elle est une quête de rapprochement de Dieu. Islam, Imane et Ikhsan sont les trois degrés de la religion. Et à propos de Ikhsan (bienfaisance) qui est le cœur du soufisme, un hadith rapporte que l’Ange Gabriel a enseigné au prophète Mouhamed(Psl) l’Ikhsan en ces termes « …c’est que tu adores Dieu comme si tu Le voyais, car certes si tu ne Le vois pas, Lui te voit».  Le grand maitre Imam Malik ajoute à ce sujet <<Celui qui étudie la jurisprudence (tafaqaha) et n'étudie pas le soufisme (tasawwuf) est un pervers (fâsiq); et celui qui étudie le soufisme et n'étudie pas la jurisprudence est un hérétique (zindîq); celui qui allie les deux, atteint la vérité ou est le parfait réalisé (tahaqqaqa)>>. Cette assertion venant d’un éminent maitre a certainement titillé la curiosité intellectuelle de beaucoup de musulmans. La quête de la perfection par la connaissance a poussé bon nombre de précurseurs à emprunter ce sentier mystique.

II/ La Gnose par le Soufisme
Le prophète Mouhamed (Psl) dans un hadith a dit << quiconque se connait soi-même, connait son Seigneur>>. Et dans la religion musulmane, le Soufisme est la branche qui s’intéresse le plus à l’intimité l’être ou la proximité qu’il doit y avoir entre le serviteur et son Seigneur. Dans un hadith divin dans lequel Allah (Swt) dit<< Connaissez-moi avant de m’adorer, car si vous ne me connaissez pas comment allez-vous m’adorer ?>>. Voilà donc deux hadith qui justifient pleinement la nécessité du soufisme ou d’un quelconque moyen susceptible de d’éclairer la lanterne du croyant musulman. Le seul but du soufisme est donc d’amener le moutaçawif (aspirant) à la connaissance de Dieu qui passe par soi-même. Cette connaissance devrait amener l’aspirant au plus degré de la Tawhid qui consiste à adorer Dieu exclusivement <<… Quiconque, donc, espéré rencontrer son Seigneur, qu’il fasse de bonnes actions et qu’il n’associe dans son adoration aucun autre à son Seigneur>> Surate18, verset110.
Toutefois, le Soufisme est une voie assez difficile à suivre. L’aspirant à la connaissance suprême appelée gnose est tenu de se mettre sous la tutelle d’une personne apte à lui indiquer la voie adéquate. L’endurance, la sobriété, l’abnégation sont les qualités indispensables à l’acquisition de cette connaissance. Car la Tarbiya (éducation spirituelle) met en épreuve l’aspirant en le privant de toute cho…se qui pourrait l’orienter dans le mauvais chemin. Il s’agit donc d’interrompre toutes les attaches terrestres par le Zikr ou invocations permanentes des noms divins auquel s’ajoute la méditation sur le Seigneur, sa toute-puissance mais surtout sur soi-même. Ceux qui sont déjà passé par cette voie (Tarbiya) sont appelés les initiés, les gnostiques.
Les gnostiques ont la particularité d’être souvent stigmatisés pour ne pas dire craints par les non-initiés. Cette marginalisation est due aux propos qu’ils tiennent lorsqu’ils sont dans un état de fusion de l’âme dans l’Unicité de Dieu. Cet état appelé Fana’a fi lah (extinction en Allah) qui généralement ne dure pas longtemps est le passage obligé pour traverser par tout soufi digne de ce nom. C’est dans cette situation que le grand maitre Mansur al-Hallaj avait dit <<ana AL-haqq>> ou << je suis la Vérité(Dieu) >>. C’est à cause de ces propos qu’il a été condamné à mort et exécuté par ses frères musulmans qui l’on jugé avec la charia or dans la Haqiha, ce genre de discours extatique est connu et admis.
Apres l’extinction dans le divin, le désormais gnostique acquiert la connaissance qui le lie intrinsèquement à son Seigneur. Ce savoir et appelé Mahrifatu bilahi et la personne qui le possède est appelé Arif bilahi. L’apaisement ou baqa’a est l’état qui vient après la Fana’a. Ce ‘’retour sur terre’’ permet à l’initié de pouvoir vivre harmonieusement avec ses semblables tout en étant très diffèrent d’eux.

III/ Le Soufisme au Sénégal
Malgré le poids de l’islam confrérique dans ce pays de l’Afrique de l’Ouest, le soufisme est très méconnu au Sénégal. Et pourtant les plus grandes rencontres religieuses du pays à savoir le Grand magal de Touba et le Gamou de Tivaouane se tiennent dans des localités rendues populaires par de grands maitres soufis comme Cheikh Ahmadou Bamba et El-Hadj Malick SY.
La majeure partie des musulmans de ce pays sont des adeptes du Mouridisme et de la Tidjania. Deux confréries qui sont fortement encrées dans le soufisme pur dès les origines.
Le cas du Mouridisme : Le terme « mouride » dériverait du verbe Irâda, puis de murīd qui signifient respectivement « la volonté » et « celui qui veut », « celui qui aspire à », sous-entendu en quête de l'agrément de Dieu (Mouridulahi). Cette confrérie fondée par Cheikh Ahmadou Bamba à fait parlé d’elle dans tout le pays notamment avec le disciple Cheikh Ibrahima Fall. Ce dernier a révélé une grande connotation soufie dans le Mouridisme. Par sa haute station, il avait délaissé la prière et le jeûne pour se consacrer uniquement au Zikr qui est l’élément de base du Soufisme. Cheikh Ibrahima qui est désigné par cheikh Ahmadou Bamba comme le chemin qui mène à la gnose (babul mouridina), est très connu, mais pas suivi où alors mal suivi. La plupart des disciples mourides aujourd’hui suit cette confrérie tout en ignorant de ses fondements soufis qui expliquent son nom (Mouridiyya ou voie qui mène à Dieu). C’est devenu comme une tendance que d’être mouride. Artistes, lutteur, citoyens lambda nombreux sont ceux qui se revendiquent de cette confrérie.
Cependant une partie de cette confrérie semble toujours rester dans les fondements soufis du Mouridisme. C’est un petit nombre  avec comme tête de fil Cheikh Moussa Cissé qui est un disciple mouride. Les discours que tiennent les disciples de Cheikh Moussa Cissé sont très proches de ceux des premiers mourides. Ils sont appelés Yalla-yalla (Allah-Allah)  parce qu’ils ne parlent que de la connaissance de Dieu (Mahrifa) et à la fusion de l’être dans l’unicité divin. Et à l’instar des premiers soufis, ils parlent souvent de choses qui ne tombent pas sous le sens, par conséquent, ils sont stigmatisés et repoussés. Et naturellement ils sont très attachés au Zikr et à la méditation. Ils font la Tarbiya comme indiqué plus haut et appellent à la gnose.
A l’instar de la confrérie Mouride, la Tidjania au Sénégal souffre du même mal. Des millions de gens se disent disciples tidjane or ils ignorent l’aspect mystique qui est à la base de cet ordre religieux. Toutefois, une partie de cette communauté appelle elle aussi à la connaissance de Dieu (Mahrifa) : cette frange à pour maitre Cheikh Ibrahim Niass. Ce grand maitre de la Tidjania est bien connu au-delà des frontières du Sénégal. Ses disciples ont un discours à forte teneur d’ésotérisme et ils sont mieux acceptés dans la société sénégalaise contrairement aux Yalla-yalla.
Voici donc la situation du soufisme au Sénégal. Une voie qui à travers les confréries compte des millions d’adeptes toutefois, elle est ignorée dans ses principes et ses fondements par le plus grand nombre.

IV/ Soufisme et extrémisme religieux

Le soufisme est défini par les plus éminents maitres soufis comme Amour. L’Imam Al-Ghazali a dit à ce sujet  « Aimer Dieu est l’ultime but des stations spirituelles et le plus haut sommet des rangs de noblesse. Il n’est de station au-delà de celle de l’amour qui n’en soit un fruit et un corollaire ». Ainsi, la violence se trouve-t-elle exclu du champ de l’ésotérisme. Le grand maitre  Ibn Arabi ajoute « Sache que la station spirituelle de l’amour est une station très insigne, et que l’amour est à l’origine de l’existence ». Dès lors, le soufisme s’inscrit en faux contre le terrorisme au nom d’Allah.  On remarque au Sénégal que la question de la radicalisation ne se pose pas comme au Nigéria. Cela est dû à la prépondérance des confréries soufies dans toute l’étendue du pays. Bien que le Soufisme soit  mal connu en tant que ésotérisme et quête de la gnose, il constitue un bouclier indispensable à la stabilité confessionnelle au Sénégal. L’islamologue Bakary Samb a dit à ce propos << Au Sénégal, les confréries soufies restent encore un rempart contre l’extrémisme violent. >>.  
Cependant il est recommandé de faire mieux connaitre le Soufisme aux disciples des différentes confréries au Sénégal. Le radicalisme doit être combattu  par l’éducation et non par les armes. Il faut rendre accessible la pensée soufi qui est parfois confiné dans un langage plus ou moins fermé.  
Pour finir, un poème extatique de l’Emir Abd El-Kader qui témoigne du mysticisme soufi et du haut degré de Tawhid (culte exclusif d’Allah) des Soufis.

Je suis Dieu, je suis créature
Je suis Dieu, je suis créature; je suis Seigneur, je suis serviteur
Je suis le Trône et la natte qu'on piétine; je suis l'enfer et je suis l'éternité bien heureuse
Je suis l'eau, je suis le feu; je suis l'air et la terre
Je suis le "combien" et le "comment"; je suis la présence et l'absence
Je suis l'essence et l'attribut; je suis la proximité et l'éloignement
Tout être est mon être; je suis le Seul, je suis l'Unique.












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