mercredi 22 juin 2016

              LE PANAFRICANISME ET SON HISTOIRE.


L’Afrique est le berceau de l’humanité, tant au point de vue biologique qu’au point de vue des civilisations. C’est un continent de 30 millions de km². C’est le deuxième continent après l’Asie (44 millions de km²). Ses dimensions lui donnent une grande variété de climats : tempéré, tropical, équatorien. Presque entièrement colonisée par les puissances impérialistes européennes au XIXème siècle, elle est aujourd’hui morcelée en plus de 50 Etats. Economiquement, c’est un continent qui dispose de richesses agricoles, minières, pétrolières et hydrauliques immenses. Ce continent possède les gisements les plus importants de minerais stratégiques (cobalt, uranium, manganèse, etc.) et de substances précieuses (or, argent, diamants). Sans être les plus grandes du monde, ses réserves en hydrocarbures sont très importantes. Les Européens qui ont dominé le monde à partir du XVème siècle, et les Américains qui le dominent depuis peu, perçoivent souvent mais à tort l’Afrique, comme un continent qui est resté à l’écart des grandes aventures de la connaissance humaine, des grandes découvertes qui ont modelé par bonds les techniques de production, bref de l’histoire du monde et de la construction de grandes civilisations. Ce sont des préjugés, mais ils vont néanmoins servir de soubassement au racisme et justifieront à leurs yeux le pillage éhonté des richesses et des hommes du continent africain. Car à partir du XVème siècle, pour assurer une main d’œuvre productive et abondante aux immenses exploitations agricoles (cotonnières et sucrières surtout) de ses colons dans les Amériques, et surtout en Amérique du Nord, les Européens vont organiser un immense trafic d’esclaves noirs prélevés principalement sur les côtes de l’Afrique de l’ouest et de l’Afrique centrale jusqu’en Angola. C’est ce qu’on appellera la traite négrière. Certains historiens estiment que cette traite a concerné, en comptant les morts à l’occasion des razzias, de 100 000 000 à 150 000 000 d’Africains dont une partie mourra dans les camps de regroupement et durant la traversée de l’Atlantique.

1°) Définition
Le Panafricanisme est un mouvement intellectuel et politique entre africains et Afro-américains qui considèrent ou ont considéré les Africains et les peuples d'ascendance africaine comme homogènes. Le Panafricanisme est aussi un ensemble d'idées qui ont mis l’accent ou qui recherchaient l'unité culturelle et l'indépendance politique de l'Afrique, de même que le désir de moderniser l'Afrique sur la base de l'égalité des droits. La “rédemption de l'Afrique" et "l'Afrique aux Africains" étaient les devises de Panafricanisme. A l’origine, le Panafricanisme était un mouvement politique et idéologique de l'intelligentsia afro-américaine qui a vu le jour dès le 18ème siècle, parmi l’élite africaine émergente autour des forteresses coloniales de la côte Ouest de l'Afrique et la colonie du Cap en Afrique du Sud.

2°) Rappel du contexte de sa création
Le panafricanisme n’est pas né dans la patrie africaine, mais dans la diaspora. Il s’est développé à travers « un triangle compliqué d’influences atlantiques » entre l’Amérique, l’Europe et l’Afrique. Le projet panafricaniste est historiquement le produit logique des conditions et des conséquences du commerce européen d’esclaves. Les esclaves africains de diverses origines et leurs descendants se sont trouvés placés dans un système d’exploitation où leur origine africaine était la marque de leur statut servile. Dans la nuit de l’esclavage, le peuple déporté, soumis à une oppression si totalement inhumaine, continuait à vivre, à créer, à épanouir sa culture en terre étrangère, à inventer le rêve du retour à l’Afrique. Le panafricanisme met l’accent sur leur expérience commune pour développer la solidarité et la résistance à l’exploitation, considérant que les différences culturelles ou d’origine sont secondaires. A l’origine, le Panafricanisme était un mouvement politique et idéologique de l'intelligentsia afro-américaine qui a vu le jour dès le 18ème siècle, parmi l’élite africaine émergente autour des forteresses coloniales de la côte Ouest de l'Afrique et la colonie du Cap en Afrique du Sud. La deuxième source historique du mouvement progressiste africain est représentée par les grandes coalitions anticoloniales, qui ont mené des luttes contre la domination impérialiste et l'exploitation dans les différentes colonies, pour l'émancipation et l'indépendance nationale. Ces coalitions nationales étaient des larges alliances entre les partis politiques progressistes de l’époque, les mouvements ouvriers, les jeunes, les femmes, les paysans et les autres organisations de masse inspirées par les valeurs progressistes de libération nationale, de démocratie et de la transformation qualitative des relations sociales en Afrique. Vers les années 1950, le mouvement panafricain et les luttes anticoloniales ont fusionné en un seul et même mouvement historique qui a conduit à ce que le Premier ministre britannique, Harold Mac Millan a appelé le "vent du changement", qui a soufflé sur l’Afrique. Le mouvement panafricain est devenu le creuset des divers groupes progressistes des sociétés africaines. Les forces progressistes africaines n'ont pas fonctionné en vase clos pendant le déploiement des activités anticolonialistes. Dès les débuts du panafricanisme, ce mouvement a bénéficié de l'appui de certaines figurent de proue des sociétés occidentales qui se recrutaient parmi les abolitionnistes, certains philosophes antiracistes et des chefs religieux. La montée du mouvement ouvrier et en particulier de l'Internationale Socialiste, le Mouvement Communiste Mondial et les militants des droits de l'homme, a, sous diverses formes et dimensions, apporté du soutien et de la solidarité aux mouvements de libération de l'Afrique contre le colonialisme et l'apartheid. D'autre part, le mouvement progressiste africain a davantage fait la promotion de sa propre cause en développant des liens avec le mouvement progressiste en Asie et en Amérique latine. Les dynamiques de Bandoeng au sein desquelles les dirigeants progressistes africains tels que Gamal Abdel Nasser, Kwame Nkrumah, Modibo Keïta, Jomo Kenyatta, Odinga Odinga, Julius Nyerere, Sekou Touré, etc., ont joué un rôle  décisif avec leurs homologues asiatiques, ont accéléré la décolonisation de  l’Afrique. Ainsi, à travers le Panafricanisme et les diverses luttes anticoloniales, le mouvement progressiste africain a atteint son principal objectif qui visait à renverser la cause de l'histoire jusque-là marqué par l'initiative des puissances coloniales. Selon les mots de Kwame Nkrumah, le royaume politique a été demandé et a gagné. Vers le milieu des années 1960 la plupart des pays, à l'exception des colonies portugaises et des forteresses racistes, ont obtenu leur souveraineté. Le rêve des leaders panafricains semblait alors être atteint, avec la création de l'OUA en mai 1963, et la création du Comité de Libération à Dar Es Salam (Tanzanie) qui s’en est suivie.

3°) les pères fondateurs du panafricanisme

EDWARD WILMOT BLYDEN (1832 - 1912)
Né le 3 août 1832 à Saint-Thomas, une des colonies danoises des Caraïbes, et descendant d'esclaves, Edward Wilmot Blyden devint l'une des personnalités internationales les plus brillantes du monde africain et caraïbe. Connaissant plusieurs langues, dont le français, l'allemand, le grec, l'hébreu et l'arabe, il exerça des fonctions d'enseignement tout d'abord, au Liberia et en Sierra Leone.

JOSEPH-ANTÉNOR FIRMIN (1850 –1911)
Joseph Anténor Firmin (18 octobre 1850 - 1911) est un homme politique et intellectuel haïtien. Anténor Firmin est candidat à la présidence à la fin du XIXe siècle. Ministre de Florvil Hippolyte en 1891, il résiste aux pressions des États-Unis, qui voulaient installer une base militaire en Haïti, au Môle Saint-Nicolas. Il a écrit :
• De l’égalité des races humaines. Anthropologie positive, Paris, F. Pichon, 1885, réédition Editions L'Harmattan, Paris, mars 2004. Préface de Jean Métellus
Haïti au point de vue politique, administratif et économique: conférence faite au Grand cercle de Paris, le 8 décembre 1891, Paris, F. Pichon, 1891
• Diplomate et diplomatie: lettre ouverte à M. Solon Ménos, Cap-Haïtien, Imprimerie du Progrès, 1899, etc.

Henry Sylvester-Williams (1869-1911)
Henry Sylvester-Williams né en 1869, mort en 1911, était un avocat et un écrivain britannique. Né en 1869, mort en 1911, était un avocat et un écrivain britannique. Inscrit au barreau anglais au XIXe siècle, il fut un actif partisan du mouvement panafricain. Il avait noué des rapports étroits avec les noirs africains de Grande-Bretagne, et les conseilla juridiquement. En 1900, au moment de l'exposition coloniale, il convoqua une conférence à Londres contre l'accaparement des terres coutumières par les Européens. Selon DuBois, c'est cette conférence qui mit pour la première fois à la mode le mot « panafricanisme »

William Edward Burghardt (W.E.B) Du Bois (23 février 1868 – 27 août 1963)
Il est un sociologue, éditeur et poète afro-américain originaire d' Haïti qui milita pour la reconnaissance des droits civiques des Noirs aux États-Unis. Il fut naturalisé ghanéen en 1963. Il fut lauréat du Prix international de la paix (décerné par le Conseil mondial de la paix) en 1952 et du prix Lénine pour la paix en 1959.

Booker Taliaferro Washington(1856-1915)
Booker Taliaferro Washington (5 avril 1856 – 14 novembre 1915 ) fut enseignant, écrivain et surtout un militant qui défendit les droits des Américains noirs. Washington est né esclave, d'un père blanc et d'une mère noire.

Marcus Mosiah Garvey(1887-1940)
Marcus Mosiah Garvey (17 août 1887, Saint Ann's Bay, Jamaïque-10 juin 1940, Londres) est un leader noir du XXe siècle et est considéré comme un prophète par les adeptes du mouvement rastafari, d’où son surnom Moses ou The Black Moses, Moses se traduisant par Moïse en français. Précurseur du panafricanisme, il se fait le chantre de l’union des noirs du monde entier à travers son journal The Negro World et le promoteur obstiné du retour des descendants des esclaves noirs vers l’Afrique (ce qu'on appelle le "Back to Africa"). La Black Star Line est une compagnie maritime transatlantique, créée par Marcus Garvey en 1919 qui avait pour but de "servir de lien entre les peuples de couleur du monde dans leurs rapports commerciaux et industriels". Elle fut entièrement financée par "la souscription et l'émission d'actions acquises par des personnes noires ordinaires, attirées par l'idée d'une « nation nègre indépendante » conceptualisée par Garvey". Cet élan de solidarité permit rapidement à Garvey l'acquisition de quatre paquebots transatlantiques (dès 1922). Ceci répandit une onde de choc parmi l'establishment blanc international : "Voilà un homme qui, non seulement avait compris que la seule voie vers l'accession au pouvoir politique passait par la puissance économique, mais utilisait les deux avec une habilité stupéfiante. La mise en route de la Black Star Line constituait le couronnement de son action et laissait entrevoir ce qu'une nation noire unie pouvait effectivement accomplir sous l'influence d'un leader entreprenant et créatif". Quelques temps plus tard il fut emprisonné.

George Padmore (né Malcolm Ivan Meredith Nurse à Arouca sur l'île de Trinidad 28 juin 1903-23 septembre 1959) est un leader noir du panafricanisme au XXe siècle.

Kwame Nkrumah(21 septembre 1909 à Nkroful au Ghana-27 aavril 1972 en Roumanie). Il fut le premier président du Ghana indépendant en 1957. Il quitta le pouvoir en 1964 après un coup d’Etat militaire.

II) Les éléments constitutifs du panafricanisme
Le panafricanisme est un concept qui s’est traduit par l’organisation de plusieurs congrès au cours de son histoire. Déjà, en 1897, Henry Sylvester Williams, avocat issu des Indes occidentales, avait fondé l’Association africaine pour encourager, spécialement à travers les colonies britanniques, l’unité de toute l’Afrique. Sylvester Williams, qui avait des liens avec les dignitaires de l’Afrique de l’ouest, pensait que les Africains et ceux qui en descendaient et vivaient dans la diaspora, avaient besoin d’un forum pour traiter de leurs problèmes communs. En 1900, Sylvester Williams organisa à Londres la première Conférence de son Association africaine, en collaboration avec plusieurs leaders noirs représentant divers pays de la diaspora africaine. Pour la première fois, le mot panafricanisme s’inscrivait dans le lexique des affaires internationales, et devenait un élément du vocabulaire ordinaire des intellectuels noirs. Cette première conférence réunit trente délégués, principalement issus d’Angleterre et des Indes occidentales, mais attira seulement un petit nombre d’Africains et d’Africains Américains. Parmi eux figurait le noir américain Williams E. B. DuBois, qui devait devenir le porte flambeau des Conférences et des Congrès panafricains comme on les appellera ensuite. Les Congrès panafricains ont consisté en une série de cinq réunions tenues en 1919, 1921, 1923, 1927 et 1945. Leur objectif était de dresser les problèmes de l’Afrique liés à la colonisation européenne dans la majeure partie du continent et d’en discuter les solutions. Ils ont proposé une voie de décolonisation pacifique en Afrique et dans les Indes occidentales, et ont fait avancer de manière significative la cause panafricaine. L’une de leurs exigences était la fin du système colonial et de la discrimination raciale. Ils ont aussi exigé le respect des droits de l’homme et l’égalité des opportunités économiques. Le Manifeste du Congrès panafricain, qui contient les exigences politiques et économiques, plaidait pour un nouveau cadre de la coopération internationale.

1919 – LE PREMIER CONGRES PANAFRICAIN
Après la tenue en 1900 de la première conférence panafricaine, le premier des cinq Congrès panafricains se réunira en 1919. Il était organisé par le penseur et journaliste Africain Américain W.E.B. DuBois. Cinquante-sept délégués y ont participé, représentant quinze pays. Sa tâche principale fut de rédiger une pétition destinée à la Conférence de paix de Versailles qui se tenait alors à Paris. Parmi ses exigences figurent :
a) Les alliés administrent les anciens territoires allemands en Afrique comme un condominium pour le compte des Africains qui y vivent ;
b) Les Africains devraient participer au gouvernement de ces pays « aussi rapidement que leur développement le permet », jusqu’à ce que, à un moment dans le futur, l’autonomie soit accordée à l’Afrique.

1921 – LE DEUXIEME CONGRES PANAFRICAIN
Ce Congrès se tint en plusieurs sessions à Londres, Paris et Bruxelles. Le révolutionnaire indien Shapuiji Saklaatvala y fut présent. Le journaliste ghanéen W.F. Hutchinson y prit la parole. Ce congrès fut considéré par quelques-uns comme la plus radicale de toutes les rencontres. De la session de Londres résulta la « Déclaration au monde » qu’on appelle aussi le « Manifeste de Londres». « L’Angleterre, avec toute sa Pax Britannica, ses cours de justice, ses établissements de commerce, et une certaine apparente reconnaissance des lois
et coutumes des indigènes, a néanmoins systématiquement entretenu l’ignorance parmi les indigènes, les a réduits en esclavage et continue de le faire, a habituellement renoncé même à essayer de former les hommes noirs et bruns dans un self-gouvernement véritable, à reconnaitre les hommes noirs civilisés comme des gens civilisés, ou d’accorder aux colonies de couleur leurs droits à un self-gouvernement qu’il accorde pourtant sans difficultés aux hommes blancs » Extrait du manifeste de Londres. La seule voix discordante fut celle de Blaise Diagne qui, quoiqu’Africain, était effectivement un politicien français, représentant le Sénégal au Parlement français. Il trouvait la déclaration dangereusement extrémiste et abandonna bientôt l’idée du panafricanisme.

1923 – LE TROISIEME CONGRES PANAFRICAIN
Ce congrès se tint à Londres et à Lisbonne. Mal organisé, il ne connut pas une forte participation. Mais il répéta l’exigence d’une forme de self-gouvernement, définissant une relation entre l’Afrique et l’Europe, et mentionnant les problèmes de la diaspora de différentes façons :
a) Le développement de l’Afrique au bénéfice des Africains et pas seulement au profit des européens ;
b) L’autonomie et un gouvernement responsable pour les colonies britanniques d’Afrique de l’Ouest et les Indes occidentales ;
c) L’abolition de la prétention de la minorité blanche de dominer la majorité noire au Kenya, en Rhodésie et en Afrique du Sud ;
d) La suppression du lynchage et de la « mob law » aux Etats-Unis

1927 – LE QUATRIEME CONGRES PANAFRICAIN
Il fut tenu à New-York et adopta des résolutions similaires à celles du 3è congrès.

1945 – LE CINQUIEME CONGRES PANAFRICAIN
Le 5ème congrès panafricain se tint à Manchester dans le nord-ouest de l’Angleterre, en octobre 1945. Ce congrès est généralement considéré comme le plus important de tous. Organisé par le très influent panafricaniste George Padmore, originaire de Trinidad et le leader indépendantiste ghanéen Kwame Nkrumah, il avait obtenu la participation de plusieurs chercheurs et intellectuels noirs. Ce 5ème congrès réunit 90 délégués, dont 26 étaient issus de toute l’Afrique. Il y’avait trente-trois (33) délégués des Indes occidentales et les représentants de cinq différentes organisations britanniques, y compris l’Union des étudiants de l’Afrique de l’ouest (WASU). W.E. DuBois, l’homme qui avait organisé le premier congrès en 1919, était là aussi, à 77 ans, ainsi que la femme de Marcus Garvey et des politiciens activistes qui deviendront plus tard des leaders influents dans divers mouvements d’indépendance africaine et dans les mouvements de droits civiques américains, comme Jomo Kenyatta, le leader de l’indépendance du Kenya, Hastings Banda du Malawi, le militant et universitaire W.E.B. DuBois, Obafemi Awolowo et Jaja Wachuku du Nigéria, Kwame Nkrumah du Ghana et le radical Trinidadien George Padmore. Il annonça la création de la Fédération panafricaine qui sera dirigé à partir de 1946 par Nkrumah et Kenyatta. Marcus Grant, membre sierra léonais de la Ligue ouest africaine de la jeunesse s’exprimait ainsi : « Nous ne voulons plus mourir de faim plus longtemps alors que nous travaillons dur pour le monde, pour soutenir, par notre pauvreté et notre ignorance, une fausse aristocratie et un impérialisme discrédités. Nous condamnons le monopole du capital et la règle de l’enrichissement et de l’industrie privée pour les seuls profits privés…. Nous allons porter plainte, lancer des appels et poursuivre devant la justice. Nous allons faire en sorte que le monde écoute les réalités de notre condition. Nous allons combattre de toutes les façons possibles pour la liberté, la démocratie et l’amélioration de notre condition sociale. » C’est ce 5ème congrès panafricain qui fit avancer le panafricanisme et lui fit assumer la décolonisation politique de tout le continent africain. Malgré ses résultats, cette conférence fut peu mentionnée dans la presse britannique. Il y’eut beaucoup de résolutions adoptées, dont l’une appelait à faire de la discrimination raciale un délit criminel. La principale résolution s’en prenait à l’impérialisme et au capitalisme. A ceux-là  s’ajoutent les 6e  et 7e congrès qui sont tenus respectivement à Kumasi en 1953 et à Accra en 1957.

III°) Le panafricanisme et ses différents enjeux
L’enjeu fondamental du panafricanisme ou des Etats-Unis d’Afrique est d’intégrer économiquement, culturellement, socialement et enfin politiquement l’Afrique. A l’heure de la mondialisation, au moment où le monde parle en terme de grands ensembles et même de « grand village planétaire », et où la notion d’Etat est complètement précarisée par rapport aux grands ensembles, l’Afrique ne peut plus s’offrir le luxe de prétendre au développement dans les micro entités, exiguës que sont nos Etats. L’Afrique doit penser à un grand ensemble qui, comme l’a dit l’ancien Secrétaire Général de l’OUA Edem Kodjo, pèsera véritablement sur le plan international. Le but ultime du panafricanisme ou des Etats-Unis d’Afrique est de lutter contre la balkanisation de l’Afrique avec une suppression des frontières issues de la colonisation afin d’arriver à une unité du continent berceau de l’humanité. Dans la perspective d’aboutir à une union économique à la dimension de l’Afrique toute entière, l’OUA avait mis un accent particulier sur l’intégration économique dans sa stratégie d’intégration multisectorielle. Dans cette perspective, le plan d’action de Lagos qui est en partie ce que nous avons aujourd’hui dans le NEPAD, avait, dans les années 80, imposé aux diverses sous régions des obligations dans divers secteurs, notamment le secteur financier, celui du commerce intra africain, le secteur de la réduction puis l’élimination des barrières commerciales. Si cet ensemble de mesures ou de conditions adoptées au sommet économique de Lagos en 1980 avait connu une véritable mise en œuvre, l’Afrique aurait pu faire une avancée très significative en direction d’une Communauté économique africaine en prélude à une intégration politique marquée par des institutions fortes, auto intégrées et légitimées par les peuples africains satisfaits par les réponses socio-économiques concrètes de l’Afrique dans leur quotidien. Effectivement, si les Etats ou responsables politiques africains avaient, par le biais de l’intégration économique, permis aux populations de bénéficier des bienfaits de l’intégration, celles-ci auraient été plus que favorables à l’union entre les Etats africains et donc permis à l’intégration de se faire à partir du bas. En effet, il n’y a rien de plus intéressant dans ce processus que d’avoir des peuples désireux de se rapprocher pour faire en sorte que l’intégration et l’union ne soient pas perçues comme imposées mais comme voulue par les populations et par elles seules. C’est en ce sens que l’on peut parler d’une intégration et d’une union africaines réalisées par les populations ou les peuples africains. Cela veut dire que les populations se sont entièrement approprié un processus qu’elles ont trouvé intéressant pour elles. Ce processus d’intégration économique en prélude à l’intégration politique et culturelle est le chemin adopté par l’Union Européenne dont l’intégration a commencé depuis les années 1950 sur une base économique avant d’arriver aujourd’hui à une intégration politique qui est encore imparfaite et évolutive. Si l’Afrique doit copier certaines choses auprès de l’Occident, cette procédure d’intégration est l’une des choses à prendre. Hélas, au niveau de l’OUA, rien n’a été fait depuis 1980 et 20 ans après, le Plan d’Action de Lagos est aujourd’hui pratiquement intégré point par point dans le NEPAD qui est lui-même sur le plan d’être une fois encore jeté aux orties par des Etats africains qui n’ont pas encore commencé à prendre leur nécessaire intégration régionale à bras le corps.

IV°) Bilan du panafricanisme
Incontestablement le Panafricanisme a connu ses heures héroïques et de gloire dans la dernière phase de la période coloniale de l’Afrique, et durant les luttes qui ont été organisées à partir des années 1960 contre la ségrégation raciale, aux Etats-Unis notamment. Durant toutes ces époques, le sentiment de fraternité et de solidarité entre les noirs de l’Afrique et de la diaspora a été très fort et exaltant.
C’est sous sa bannière que les jeunes africains qui se sont retrouvés en Europe comme étudiants ou comme travailleurs dans les années 1950 et 1960 ont constitué des fédérations d’étudiants (FEANF, WASU, Ligue africaine de la jeunesse, etc.) ou de travailleurs dans les pays européens où ils se retrouvaient, ou dans les villes africaines où fonctionnaient alors de rares universités (UGEAO ou AED à Dakar). C’est à son nom que la solidarité de tout le continent s’est manifestée après 1960 à l’endroit des peuples encore sous domination coloniale (britannique, portugaise ou espagnole) et contre la politique de l’apartheid (Afrique du Sud, Namibie). Une partie des objectifs politiques du panafricanisme a été atteinte : tous les pays africains sont devenus indépendants (exceptés quelques ilots), au moins formellement. Aux USA, grand pays du racisme, de la ségrégation raciale et des pratiques terroristes du KU KLUX KLAN, les pratiques racistes ont été mises officiellement hors la loi, même si elles n’ont pas totalement disparu dans la réalité. Cependant, les objectifs d’unité et de solidarité de l’Afrique, de restauration de la personnalité de l’homme noir, et de la construction d’une économie florissante commune à toute l’Afrique sont loin d’être atteints. De même aux Etats-Unis l’égalité véritable des citoyens, les chances égales pour entrer dans la vie sont toujours à rechercher. Manifestement, le passé pèse encore d’un certain poids dans ces situations, car elles ont laissé des séquelles durables dans de nombreux esprits et dans toutes les situations sociales…

V°) Défis et Perspectives
L'un de ces défis est la nécessité d'articuler de nouveaux paradigmes de développement qui pourraient être conceptualisés comme alternatives à l'idéologie dominante néo-libérale. Certains cadres conceptuels et théoriques ont été proposés au cours des 15 dernières années, tels que le développement humain et les concepts de sécurité humaine, qui mettent en avant la nécessité de développer des approches centrées sur les personnes à changer. La poursuite de l'élaboration est cependant nécessaire ainsi que des outils, des méthodes et des procédés pour les concrétiser. Un autre défi important consiste à revisiter les notions de démocratie et de citoyenneté dans un monde globalisé. Ces notions sont très chargés, comme nous le savons tous, et dans une large mesure ont grandi et mûri dans le paysage européen. Bien que certaines des valeurs incarnées par ces notions puissent être considérées comme universelles, l’approche de modèle unique n'est pas appropriée. En effet, elle comporte des limitations sévères et a même été contre-productive dans la mesure où elle est considérée comme une imposition de ce qu'on appelle les valeurs occidentales sur les sociétés dont les trajectoires historiques ont été complètement différentes. La façon de reconnaître et valoriser la diversité des expériences historiques, et de démocratiser les processus de démocratisation qui sont en cours, est certainement une question très critique. Dernier point, mais non des moindres, à un moment où les différentes régions du monde renforcent leurs capacités par la formation de blocs économiques et géopolitiques pour rivaliser avec succès, le mouvement de renaissance africaine est confrontée à un défi similaire. La nécessité de reconstruire les sociétés, les communautés et les nations, pour éradiquer la pauvreté, l'autonomisation des populations pauvres et défavorisés, entre autres, requiert une action urgente de notre part. En construisant l'unité, l’intégration et la solidarité entre les peuples africains à travers le continent, nous contribueront à la rédemption de l'Afrique.






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