MATHIEUX KEREKOU:
DICTATEUR OU DEMOCRATE?
Surnommé le « Caméléon », Mathieu KEREKOU
ancien dictateur rouge qui, après la transition politique du Bénin, était
revenu au pouvoir par les urnes, a profondément marqué l’imaginaire de son
peuple. Dans l’esprit des Béninois, sa haute figure demeurera longtemps
associée aux turbulences et transformations de la vie politique postcoloniale
du pays.
Dans les livres d’histoire, le nom de Kérékou est
devenu synonyme de la démocratie, l’homme ayant présidé à la première
transition réussie, en Afrique, de la dictature militaro-marxiste à un régime
présidentiel multipartite. D’une certaine façon, grâce à lui, le Bénin pays
enclavé entre l’immense Nigeria et le minuscule Togo, est devenu un pays modèle
pour l’ensemble du continent.
Retiré de la vie politique active depuis 2006 à
l’issue de son second mandat de président élu, Kérékou partageait sa vie ces
dernières années entre sa résidence de Cotonou et sa retraite à Natitingou,
dans le Nord-Ouest. Adulé par son peuple, il avait fêté ses 80 ans en 2013,
avant de tomber gravement malade l’année suivante. Hospitalisé alors à Paris
dans un état critique, il en était pourtant revenu en pleine forme, mais ses
soucis de santé n’ont cessé de le hanter. La maladie l’a finalement emporté ce
14 octobre. Revisitons ici la vie et l’œuvre de l’homme.
I/
QUI EST LE GENERALE MATHIEU KEREKOU
A/
LE MILITAIRE
Né en 1933, à Kouarfa, dans le Nord-Ouest du Bénin,
Mathieu Kérékou rejoint l’Ecole des enfants de troupe à 14 ans. Sa formation
militaire le conduit au Mali et au Sénégal. Il étudie ensuite en France,
d’abord à Fréjus (troupes de marine) puis à Saint-Maixent (sous-officier de
l’armée de terre). En 1960, lors de l’indépendance, il est sous-lieutenant, et,
l’année suivante, aide de camp du président Hubert Maga. Il terminera sa
carrière avec le grade de général. Ses pairs de l’armée le reconnaissent comme
l’un des meilleurs officiers de sa génération. Le général appartient à la
deuxième génération d’hommes politiques qui ont pris (parfois arraché) les
rênes du pouvoir des mains des pères des indépendances africaines.
B/
Le Marxiste-léniniste « tropicalisé »
En
1972, avec d’autres officiers, Kérékou participe à un putsch qui le porte à la
présidence de son pays. Le coup d’Etat se déroule sans un coup de feu. Après
une période de transition, l’option socialiste est choisie et, en 1974, les
putschistes imposent le marxisme-léninisme comme idéologie officielle de l’Etat
et la révolution comme horizon.
Dès
1975, le gouvernement procède à la nationalisation des grandes entreprises et
rebaptise le pays République populaire du Bénin afin de réduire le poids de la
tradition séculaire attachée à son ancien nom de Dahomey. En 1977, le régime
est déstabilisé par une tentative de coup d’Etat perpétré avec l’aide du
mercenaire français Bob Denard. Le gouvernement s’engage dans une politique de
répression contre les opposants et surtout contre les intellectuels dont
beaucoup doivent alors fuir le pays. La police politique fait régner la
terreur, torture et emprisonne les récalcitrants dans la tristement célèbre
prison de Ségbana, dans le nord du pays.
II/
KEREKOU ET DEMOCRATIE
A/
Le marasme économique sous le général
Malgré
la mise en place de programmes de développement économique et sociaux, les
communistes au pouvoir sous l’égide de Kérékou ne réussissent pas à faire
décoller l’économie. C’est la faillite du marxisme-léninisme à la béninoise que
les critiques du régime brocardent sous le nom de
« laxisme-béninisme » à cause de la corruption et le népotisme
rampants.
A
la fin des années 1980, la situation économique est catastrophique et le pays
doit passer par les fourches caudines du FMI pour redresser les comptes de la
Nation. Les mesures draconiennes imposées par le gouvernement déclenchent des
grèves massives d’étudiants et de fonctionnaires, paralysant le pays.
B/
La démocratisation sous KEREKOU
En décembre 1989, après des mois de contestations
populaires et de pressions diverses, le président Mathieu Kérékou met fin au
règne du parti unique, abandonne la doctrine marxiste-léniniste et convoque la
Conférence nationale des forces vives de la nation, qui doit définir les
fondements d’un ordre nouveau. Cette assemblée inédite réunissant les 493
délégués de l’opposition et du pouvoir se tient du 19 au 28 février 1990 à
Cotonou, sous la présidence de Mgr Isidore de Souza, archevêque de la ville. A
la clôture de la Conférence nationale, Kérékou accepte de mettre en œuvre
toutes les recommandations dont la suspension de la Constitution de 1977 et la
rédaction d’une nouvelle Constitution, amorçant le changement du régime.
Le
grand mérite de Kérékou est d’avoir senti le vent de l’histoire tourner. Pas
seulement en Afrique, mais aussi en Europe où l’année 1989, avec la chute du
mur de Berlin, voit émerger un monde nouveau. Le dictateur dahoméen aurait-il
été influencé par les événements en Europe de l’Est ? Pour l’africaniste
Francis Kpatinde « Tout, au Bénin, s’est passé sans lien direct avec la
chute du mur de Berlin et, surtout, avec le discours de François Mitterrand à
La Baule auquel une légende tenace s’attache à associer la démocratisation
béninoise. La décision d’organiser la Conférence nationale a été
prise en août/septembre 1989 (avant la chute du mur) et la conférence nationale
s’est tenue en février 1990, quatre mois avant le discours de La Baule. »
Kérékou
a tout de même payer le prix de sa gestion chaotique du pays pendant les années
de dictature car il perd la présidentielle de 1991 à son challenger Nicéphore
Soglo, mais reviendra au pouvoir en 1996, cette fois, par la voie des urnes.
III
LE CAMELEON
A /
LA TRAVERSER DU DESERT
«C’est sa double facette qui fait de Kérékou
un personnage politique fascinant », explique Alioune Fall, professeur
de droit constitutionnel et des institutions politiques africaines à
l’université Montesquieu de Bordeaux. « Après avoir mis en place une
dictature communiste très dure avec suspension de tous les droits fondamentaux,
il reniera la doctrine marxiste-léniniste, allant jusqu’à quasiment demander
pardon à son peuple lors de la Conférence nationale. Qui plus est, le dictateur
Kérékou s’est signalé à l’attention en revêtant l’habit démocratique comme
peut-être jamais aucun chef d’Etat africain n’a su le faire. »
En
effet, après sa défaite en 1991, l’ex-homme fort fera preuve d’une grande
maturité politique en se gardant de toutes critiques à l’encontre de son
successeur. Par conséquent, la population porta à son crédit le caractère
pacifique de la transition, d’autant que son successeur Nicéphore Soglo s’était
lancé dans une politique d’obstruction à la mise en place des institutions
démocratiques prévues par la Conférence nationale. L’ex-dictateur profitera
aussi de l’érosion du capital politique de Soglo pour revenir aux commandes en
1996 sans donner l’impression de vouloir réhabiliter l’autoritarisme de
l’ancien régime. Par ailleurs, s’étant rapproché de l’Eglise pendant sa
traversée du désert, le candidat sut aussi utiliser habilement le registre du
religieux pour emporter la conviction de ses concitoyens. C’était du grand
art !
B/
RETOURE AU POUVOIR
Légitimé
par la volonté populaire, Mathieu Kérékou saura désormais se situer au-dessus
des querelles partisanes, et se fera réélire à la présidence en 2001 pour un
dernier mandat de cinq ans. Depuis la fin de son mandat électif, en 2006, il
s’est toujours gardé de s’immiscer dans la gestion au quotidien du pays, même
si les acteurs de la vie politique venaient régulièrement le consulter. Il ne
s’est pas mêlé non plus de la polémique qui n’a cessé d’enfler au Bénin depuis
2013 autour de la révision de la Constitution du 11 décembre 1990 pour
permettre à Yayi Boni chef d’Etat d’alors de postuler pour un troisième mandat.
« Mathieu
Kérékou aimait dire que les branches de l’arbre ne pourront jamais se casser
dans les bras d’un caméléon », se souvient Alioune Fall selon lequel
l’ex-dictateur fut le meilleur garant de la démocratie béninoise.
IV-
DE PETITES ANECDOTTES SUR LE GENERAL
Beaucoup
de petites histoires vrai mais parfois aussi surréaliste sont racontez sur le
générale. Nous avons décidés de partager quelques-unes avec vous.
«Un
jour, alors que le générale revenait de Porto Novo la capitale du Bénin, arrivé
à la hauteur du marché international Dantokpa (plus grand marché de l’Afrique
de l’Ouest) le générale décide de descendre de sa voiture pour marcher afin de
se rendre compte de la misère des populations. Pendant qu’il marchait, arrivé
au niveau du carrefour Saint Michel (un des plus grands carrefours de Cotonou),
la population se mit à lui jeter des pierres. En bon militaire, ses gardes pointèrent
leurs armes sur la population prête à appuyer sur la gâchette. Mais à la grande
surprise de tout le monde, le général leur demanda de baisser les armes et
aurait ajouté : ’’si ces gens qui il y a quelque années m’ont porté en
triomphe et se refugia à l’intérieur de l’église Saint Michel le temps que la
foule ne se calme et ne disperse. Selon certaine source, c’est ce jour qui
serait à l’origine de la décision du Générale d’organiser la Conférence
Nationale des Force Vives de la Nation béninoise »
Les
pouvoirs mystiques attribués à la canne du caméléon
« La
canne que le générale avait toujours en main serait selon certaines
indiscrétions le symbole d’un gris-gris que lui aurait fait le père de l’un de
ses frère d’arme. Dans la canne, il serait sculpté un caméléon. Et
l’incantation de ce gris serait : « ATIN MAN FIN DO AGANMAN LÔ
MIN », c’est-à-dire, jamais la branche ne se brise entre main du
caméléon ». Beaucoup sont ceux qui pensent que si le général a connu une telle
stabilité au pouvoir, c’est grâce à ce gris-gris.
« On
raconte aussi que le jour de l’attaque des mercenaires conduit par le français
Bob Denard, le générale s’était dédoublé et était sur plusieurs fronts à la
fois. C’est ainsi donc qu’il a pu diriger les troupes pour la riposte qui a
fait échouer l’attaque ».
« On
raconte aussi que plusieurs fois il a échappé à des coups d’Etat. Car à chaque
fois ou on formatait un coup pour l’enlever il se transformait en u enfant, un
animal ou un objet et reprenait une forme humaine au départ des assaillants »
CONCLUSION
Les Béninois pleurent encore la mort de leur grand homme, Mathieu Kérékou
qui comme on l’a vu plus haut a dirigé le Bénin pendant presque trois
décennies. Arrivé au pouvoir par un coup d’Etat en 1972, l’homme a présidé aux
destinées de son pays jusqu’en 2006, avec une interruption de cinq ans entre
1991 et 1996. Il est décède le mercredi 14 octobre, au Bénin. Le président
béninois Boni Yayi avait décrété une semaine de deuil national. Tous les
drapeaux du pays ont été mis en berne.
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