Le
O3 Avril 2016 le monde de la finance, politique, sportif et culturel a retenu
son souffle après la révélation de la plus grande évasion fiscale que le monde
n’ait jamais connu appelé les « PANAMA PAPERS ». Inspiré de la fuite
de données de l’armée américaine relative à la guerre au Vietnam dénommée «THE PENTAGONE
PAPERS » dossiers secrets de 7.000 pages révélés au public en 1971 par le
New-York Times et une dizaine d’autres journaux américains. Cependant pour mieux comprendre ce que c’est les « panama
papers » ?,nous allons essayer de la définir au point suivant.
I) Qu’est-ce que les « panama
papers » ?
Les Panama
Papers (« documents panaméens » en français)
désignent la fuite de plus de 11,5 millions de documents
confidentiels issus du cabinet d'avocats panaméen Mossack Fonseca, détaillant des informations sur plus de 214 000 sociétés offshore ainsi que les noms
des actionnaires de ces sociétés. Parmi eux se trouvent des hommes politiques,
des milliardaires, des sportifs de haut niveau ou des célébrités. Les chefs
d’État ou de gouvernement de six pays — l'Arabie saoudite, l'Argentine, les Émirats
arabes unis, l'Islande, le Royaume-Uni et l'Ukraine — sont directement incriminés par ces
révélations, tout comme des membres de leurs gouvernements, et des proches et
des associés de chefs de gouvernements de plus de 40 autres pays, tels que l'Afrique du Sud, la Chine, la Corée du Sud, le Brésil, la France, l'Inde, la Malaisie, le Mexique, le Pakistan, la Russie et la Syrie.
Le nom
de Panama Papers est une référence aux Pentagone
papers de la guerre au Vietnam, nom donné au dossier secret de 7 000 pages
révélé au public en 1971 par le New York Times et une quinzaine d'autres journaux américains.
Les
documents fournis par un lanceur d'alerte anonyme et non rémunéré (connu seulement sous le
pseudonyme de John Doe) remontent aux années 1970
et vont jusqu'à fin 2015, représentant un total de 2,6 téraoctets de données. Initialement envoyées au quotidien allemand Süddeutsche Zeitung en 2015, les données ont rapidement été
partagées avec les rédactions de media dans plus de 80 pays par l'intermédiaire
de l'International
Consortium of Investigative Journalists(ICIJ)
basé à Washington. Les premiers articles sont publiés le 3 avril 2016, accompagnés de 149 documents. D'autres
révélations suivront les publications initiales, l'intégralité des sociétés
mentionnées par les documents devant être dévoilée d'ici mai 2016.
Ces documents concernent des sociétés
extraterritoriales — dites offshore —
que la firme Mossack
Fonseca a aidé à créer, ou avec qui ses clients
ont été en contact. Si dans la législation de la plupart des pays, les
sociétés offshore ne sont pas illégales en elles-mêmes, c'est
leur usage comme sociétés-écran dans l'évasion
fiscale ou le blanchiment
d'argent qui l'est.
II) Les auteurs de la révélation
du scandale et son contenu
·
Le Monde et 108 autres rédactions dans 76 pays, coordonnées par le
Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ), ont eu accès
à une masse d’informations inédites qui jettent une lumière crue sur le monde
opaque de la finance offshore et des paradis fiscaux.
·
Les 11,5 millions de fichiers proviennent des archives du cabinet
panaméen Mossack Fonseca, spécialiste de la domiciliation de sociétés offshore,
entre 1977 et 2015. Il s’agit de la plus grosse fuite d’informations jamais
exploitée par des médias.
·
Les « Panama papers » révèlent qu’outre des milliers d’anonymes
de nombreux chefs d’Etat, des milliardaires, des grands noms du sport, des
célébrités ou des personnalités sous le coup de sanctions internationales ont
recouru à des montages offshore pour dissimuler leurs actifs.
Comme tous les médias
partenaires du Consortium international de journalistes
d’investigation (ICIJ), Le Monde a eu accès à un peu plus de
11,4 millions de documents, pour un total de plus de 2,6 téraoctets de
données. Soit plusieurs décennies de lecture jour et nuit si l’on veut aller d’un bout à
l’autre de la base de données – sans compter la complexité
de certains dossiers.
La première partie
des documents constitue un registre des 214 488 structures offshore créées
ou administrées par le groupe Mossack Fonseca entre sa création
en 1977 et la fin de l’année 2015. Un registre qui pourrait être public, si le
cabinet d’affaires n’était pas abrité dans des paradis fiscaux. Comme dans un
document issu du registre du commerce en France, on y retrouve les
dates importantes de la structure (création, dissolution), l’identité de
l’intermédiaire financier qui est intervenu (banque, avocat fiscaliste) et les
noms des actionnaires et administrateurs de la société – qui sont souvent des prête-noms.
A chaque société est
également attachée une série de documents sous divers formats (PDF, images,
documents Word, présentations Powerpoint, tableurs et même fichiers audio) qui
renseignent parfois sur son activité et ses bénéficiaires réels.
Mais l’essentiel de
la richesse de la base de données vient d’e-mails et de courriers scannés qui
retracent le fonctionnement quotidien du groupe Mossack Fonseca. On y retrouve
aussi bien des correspondances internes entre les employés du groupe que les
communications avec leurs clients, qui en disent souvent bien plus que les
documents administratifs.
Si l’immense majorité
des documents sont en anglais (mondialisation des paradis fiscaux oblige),
certains sont en français, en espagnol, en chinois et en russe.
Que sait-on de la
source des « Panama papers » ?
Le « leak »
qui a mis au jour le scandale des « Panama papers » a permis la fuite
de millions de documents et données de la firme panaméenne Mossack Fonseca.
Elle provient d’une source qui a remis gracieusement au Süddeutsche Zeitung les fichiers de la firme spécialisée dans le montage de sociétés
offshore. Pour le protéger, l’identité du lanceur d’alerte n’a pas été
divulguée aux médias partenaires du Consortium international de journalistes
d’investigation (ICIJ) qui ont travaillé sur l’enquête.
L’authenticité des
fichiers a toutefois pu être vérifiée à deux reprises, par la Süddeutsche
Zeitung et par Le Monde. Plusieurs fractions de ce
« leak », parcellaires et plus anciennes, avaient été vendues aux
autorités fiscales allemandes, américaines et britanniques au cours des
dernières années, une procédure qui est devenue relativement habituelle,
notamment en Allemagne. La France fait ainsi partie des pays qui se sont vus
proposer l’achat d’une partie des « Panama papers ». Outre-Rhin, les
investigations sur la base de ces documents ont donné lieu à une série de
perquisitions en février 2015 contre des banques allemandes soupçonnées de
complicités de blanchiment et de fraude fiscale. La Commerzbank, deuxième
établissement bancaire d’Allemagne, a accepté en octobre 2015 de payer 17 millions
d’euros d’amende pour avoir aidé certains de ses clients à frauder le fisc avec l’aide
de sociétés enregistrées par Mossack Fonseca.
La technologie a
rendu possible l’exploration de cette masse immense de données. L’ICIJ a mis à
la disposition du journal des outils performants pour effectuer des recherches
dans les « Panama papers » (y compris les documents scannés, grâce à
un système de reconnaissance textuelle). Un moteur de recherche les a permis
de naviguer plus facilement
au sein des données, en partant d’un nom, d’une société ou d’une expression.
Pour faire face à une
telle base de données, il existe deux types d’approche. La première est lancer une recherche
à partir de termes qui
peuvent permettre de tirer un premier fil.
Par exemple, on regarde ce que met au jour le terme
« passeport français », en espérant que la recherche pointe vers
un nom connu, vers une société, vers une piste potentielle. On peut aussi rechercher des termes du
jargon de Mossack Fonseca, comme « PEP » (« personne
politiquement exposée »),
« UBO » (« bénéficiaire économique ultime ») ou encore
« Due Diligence » (vérification de l’identité
du client).
La seconde approche,
plus méthodique, requiert de créer des listes en
amont. Plutôt que de rechercher « parlementaire français », il s’agit
de récupérer la liste
complète des parlementaires français, sur les sites de l’Assemblée nationale,
du Sénat et du Parlement européen, et de lancer une recherche systématique
grâce aux outils mis en place par l’ICIJ.
Ainsi, outre une
recherche méthodique sur les parlementaires français et européens, la rédaction
du journal « le monde » a épluché la liste Challenges des
500 Français les plus riches (et son corollaire à l’international, la
liste Forbes), les organigrammes des principaux partis politiques
français, la liste des ministres français depuis les années 1980, les
administrateurs du CAC 40, les personnalités préférées des Français, les personnes
citées dans des affaires politico-judiciaires depuis 2000, les chefs d’Etat et
de gouvernement du monde entier ou encore les joueurs de l’équipe de France
de football. Sans oublier les noms des
actionnaires du Monde, qui ont été inclus dans ces recherches.
Quand un nom ou un
thème présentait de l’intérêt en apparaissant dans la base de données, il a
encore fallu s’atteler à décrypter toute la
correspondance afférente à la coquille offshore visée. Quand une même personne
détient cinq sociétés différentes dans autant de juridictions pour créer des
montages financiers complexes, le temps de recherche et d’analyse pour comprendre les tenants et
les aboutissants est exponentiel.
III) Contexte de la révélation du scandale
financier d’évasion fiscale à dimension planétaire
Mossack Fonseca est un cabinet
d'avocats panaméens créé en 1986. Il
résulte de la fusion du cabinet fondé en 1977 par Jürgen Mossack et de
celui de Ramón Fonseca Mora. Les
services offerts par la firme incluent la création de sociétés dans des
juridictions extraterritoriales (offshore),
la gestion de ces sociétés et une multitude de services liés à la gestion des
grandes fortunes. La firme compte plus de 500 employés répartis dans plus de 40
bureaux autour du monde. Elle a eu pour clients plus
de 300 000 entreprises, la plupart étant déclarées au Royaume-Uni ou dans les paradis fiscaux britanniques.
Le
cabinet travaille avec les institutions bancaires les plus importantes du
monde, comme la Deutsche Bank, HSBC, la Société générale,
le Crédit suisse, UBS et Commerzbank. Avant
la fuite des Panama Papers, Mossack Fonseca était décrite par plusieurs
médias comme une société « extrêmement discrète [sur ses
activités]», « leader de la finance offshore au Panama13 » et « 4e plus
grosse firme de droit offshore du monde». Un article de Australian Broadcasting
Corporation explique :
« Utilisant
un système complexe de sociétés écran et
de trusts fiduciaires, les services de Mossack
Fonseca permettent à ses clients d'opérer derrière un mur de secret presque
impénétrable. Son succès repose sur un gigantesque réseau de comptables et de
banques prestigieuses qui embauchent la firme pour gérer les finances de leurs
clients les plus fortunés. Les banques sont les principaux moteurs derrière la
création de sociétés difficiles à tracer basées
dans les
paradis fiscaux.
L'essentiel
du travail du cabinet est légal et anodin. Mais pour la première fois, la fuite
nous emmène au cœur de son fonctionnement intrinsèque et nous offre un aperçu
rare sur des opérations offrant à ses clients véreux une grande liberté de
manœuvre »
IV)
Les perspectives des « panama papers »
L’analyse des millions de documents issus de la
firme panaméenne Mossack Fonseca mettant au jour l’ampleur de l’évasion et de
la fraude fiscale, n’a pas seulement créé une onde de choc internationale. Elle
a aussi confirmé l’entrée du journal dans la mondialisation et la collaboration
transfrontalière entre rédactions. Tout dans « panama papers »appelle
les superlatifs. Plus grande fuite de l’histoire du journalisme(2,6 téraoctet
de données ou 2600 G.O, soit plus de 11.5 millions de documents accumulés, 1000
fois plus que les « câbles diplomatiques » révélés par Wikileaks,
c’est aussi le scoop par le plus grand nombre de journalistes « 370,
issus de 109 médias, dont une vingtaine au Monde ».Qui ont travaillé
secrètement pendant presque 1 an de juin 2015 à Avril 2016. A rebours de
l’investigation classique, l’I.C.I.J a bâti un réseau planétaire qui dépasse la
concurrence parfois féroce que se livrent les organes de presse. Avec les
« panama papers » le consortium l’international a su créer une
« news room » mondiale portée par un intérêt commun plus soucieux du
succès collectif que de l’échappée individuelle. C’est ainsi 370 journalistes
ont pu garder le secret pendant tout l’enquête, sans être tentés de briser
l’embargo, fixé au dimanche 03 Avril 2016 dans la soirée. Il en a résulté une
formidable caisse de résonance tant de scoop a été divulgué, repris comme en échos par une centaine de médias étrangers. Partages, confiance et confidentialité :
ces à ces trois conditions, associées à des mois d’enquêtes acharnés qu’a pu naître le succès des « panama papers ». L’opération a créée
l’événement dans la communauté journalistique mondiale, en démontrant les
effets vertueux d’une démarche concurrentielle. Pour un métier qui se réinvente
sans cesse au contact des nouvelles technologies, ce « journalisme de
partage » ouvre des perspectives inédites. Au-delà des « leaks »,
cette approche pourrait encourager d’autres types d’échanges et de mise en
commun de données au profit de l’information. Portée par le « big
data », la révolution du journalisme collaboratif n’en est sans doute qu’à
ses tout débuts.