lundi 4 juillet 2016

LES PREPARATIFS DE LA  KORITE 2016

LE MARCHE ZINC DE PIKINE VIT LES DERNIERES HEURES DU RAMADAN

La fin du mois de Ramadan se profile à l’horizon laissant libre cours aux préparatifs de la fête de la Korité. Après un mois de diète et de dévotion, la communauté sénégalaise musulmane va, dans deux jours, fêter son Aidel-Fitr (Korité). Au marché Zinc de Pikine (l’un des plus importants de la localité), les populations se préparent activement pour cet évènement.

      La célébration de la Korité est imminente. Les Sénégalais ont la manie de célébrer ce jour à leur guise. Bientôt c’est la fin du Ramadan. Et les préparatifs vont bon train. A Pikine, précisément au marché Zinc sis à Icotaf, les gens préparent la fête chacun avec la bourse dont il dispose. Ce marché très populaire et réputé pour sa forte affluence vit les dernières heures du Ramadan. En ce jour du 5 juillet 2016, les clients sont venus plus nombreux que d’habitude. Sur la route Serigne Mansour qui mène vers le terminus Fadilou Diop, il est très difficile de se frayer un chemin. Chaleur caniculaire, vrombissement de voitures, trafic entrecoupé et embouteillage n’ont pas empêché le commerce et le marchandage. Vêtue d’un boubou wolof rouge, pochette blanche à la main, lunettes noires sur le visage émacié, Soda SALL la trentaine, confie : «je fréquente souvent ce marché surtout dans les grandes périodes de fête car on y vend des tissus de bonne qualité». De loin, elle indique la boutique où elle est habituée à faire ses achats. Dans cette boutique bien achalandée de tissus de diverses couleurs rangés dans des comptoirs superposés, on peut y trouver toute sorte de tissus selon sa préférence.
      «A chaque fois que j’arrive ici je suis toujours plongée dans l’embarras du choix», finit par dire Ndèye Binta NIANG, une cliente rencontrée dans les lieux. Marie DIOUF, quant  à elle avoue, qu’ :«à chaque fois que je quitte chez moi pour venir ici j’ai très souvent en tête le tissu que je vais acheter et mon bilan fixe. Mais à ma présence, je change souvent d’avis car chez Ahmet FALL et Frères (le nom de la boutique) il y a toujours de nouvel arrivage et je suis parfois obligée de dépenser plus que prévu». Interpellé sur sa forte clientèle, Ahmet FALL propriétaire et gérant de la boutique,  argumente : « chez nous les clientes sont toujours bien accueillies. De plus, on leur propose des tissus de meilleure qualité qui nous proviennent pour la plupart de l’étranger. Nous nous approvisionnons en Inde, au Dubaï, au Luxembourg et en Thaïlande». Ce dernier renchérit : «les clientes viennent ces temps-ci très nombreuses parce qu’il y a la Korité qui doit avoir lieu cette semaine. Le mètre de tissu varie selon la qualité de celui-ci. Il y a des tissus qui coûtent entre 5.000, 10.000, 25.000 et même 50.000 FCFA, le mètre».
      Dans ce marché grouillant de têtes humaines, vendeurs, tailleurs et clients partagent la même préoccupation: tirer le meilleur, en perspective de la fête. «Gagnila», dentelle, basin riche et «getzner» sont les tissus en vogue cette année. Alors que chez quelques-uns des commerçants l’on ne se plaint pas. Du côté des tailleurs, «malgré la récurrence des coupures de courant momentanées», reconnait Amadou FAYE qui assure par ailleurs que «tous les engagements envers les clients seront entièrement respectés». «Moi, je ne suis pas de ces tailleurs qui prennent des engagements sans les honorer ou qui prennent les tissus des clients et les vendent ensuite. Pour preuve, ce tissu (indiqué du doigt) que vous voyez son propriétaire viendra le récupérer ce soir à 21 heures et il ne reste que quelques retouches pour finir le complet». D’ordinaire, c’est à 15 heures que le marché Zinc se vide de son monde. Mais aujourd’hui on échappe à cette tradition. Korité oblige! Dans ce plus grand marché de la banlieue, y règne une ambiance de fête. «C’est très difficile de se faire une place, à cette heure de la journée», lance un passant (qui n’est apparemment pas venu faire des achats). Clients, commerçants, tabliers et autres vendeurs envahissent les lieux et y foisonnent.
      Des marchands ambulants, eux, exposent des chausseurs, des sacs et d’autres accessoires sur le trottoir. Samba DIA, jeune vendeur à la sauvette, explique : «la Korité est une bonne opportunité pour nous petits bosseurs de se frotter les mains. Malgré nos accessoires nous parvenons à grappiller une somme plus ou moins conséquente pour passer la fête avec la famille». Juste à quelques enjambées de son étal, Arona SENE âgé de vingt-cinq ans originaire de la région de Fatick, commente : «A chaque fois que nous fêtons la Korité ou la Tabaski, je quitte Fatick où je tiens une petite boutique pour venir à Dakar écouler ma marchandise. L’année dernière à cette période j’étais au marché HLM mais cette année j’ai décidé de venir au marché Zinc car certains amis commerçants m’ont dit qu’ici je peux me faire de bénéfices et je peux avancer que je n’ai pas regretté d’être là». Toutefois, questionné sur son chiffre d’affaire de la journée ce jeune homme préfère répondre tout en esquissant un sourire : «je rends apparemment grâce au Seigneur».
      Sur l’allée de la Sonatel Orange non loin de la station Total, la chaussée «impraticable» en ce début de week-end, est occupée par de nouvelles cantines érigées à l’occasion de la fête. Ibrahima DIENG dit avoir reconnu occuper la place illégalement parce «je ne dispose pas de cantine dans ce marché pour manque de moyens, mais je paie la taxe qui s’élève à 300 FCFA la journée. Pendant les préparatifs pour la Korité, je parviens à m’en sortir. Je me ravitaille au marché Colobane et je viens écouler mes produits à Pikine. Et je me désole du fait que l’on ne fête pas la Korité dix fois l’année». Même si le marché Zinc est pris d’assaut par les clients en ces veilles de Korité, les affaires ne marchent pas encore fort pour certains commerçants. Pour cause, «les gens viennent marchander, mais n’achètent pas», renseigne Oulèye BA, vendeuse de vêtements pour enfant. Elle vend également des pots de fleurs. «Je suis arrivée au marché Zinc de Pikine vers 10 heures mais je n’ai encore rien vendu», se lamente-t-elle. Elle poursuit : «mes marchandises me proviennent de Chine. Je les vends à 1.500 FCFA l’unité et je considère que ce prix est abordable pour la clientèle».
      Les périodes de vente pour la fête riment également avec l’amoindrissement des prix des articles. A l’approche de chaque fête, les commerçants ont coutume de réduire le prix des marchandises. C’est le cas de Fatou DIOP  qui est dans ce marché depuis 2015. «Chaque année, à l’approche des grandes fêtes, je fais de bonnes affaires en misant sur la réduction de mon commerce». A côté de sa boutique, de jeunes commerçants forment un groupe. Ils font l’animation psalmodiant de belles mélopées et ponctuant quelques pas de danse. Tissus, chaussures, sacs, bracelets…sont accrochés ou tout simplement mis par terre. Les clientes se donnent à cœur joie. Dans une des cantines, la possibilité de marchander n’est pas offerte à la clientèle. Chez Pape FALL, par exemple, les prix sont forfaitaires. Mais il y a pour toutes les bourses et les prix varient entre 500 à 8.000 FCFA. La fin du mois de Ramadan est marquée, au Sénégal, par la fête de la Korité qui sera suivie, deux mois environ, par la plus grande fête musulmane, la Tabaski en l’occurrence.
                                                                                                       Lamine DIAGNE