LES
PREPARATIFS DE LA KORITE 2016
LE
MARCHE ZINC DE PIKINE VIT LES DERNIERES HEURES DU RAMADAN
La
fin du mois de Ramadan se profile à l’horizon laissant libre cours aux
préparatifs de la fête de la Korité. Après un mois de diète et de dévotion, la
communauté sénégalaise musulmane va, dans deux jours, fêter son Aidel-Fitr
(Korité). Au marché Zinc de Pikine (l’un des plus importants de la localité),
les populations se préparent activement pour cet évènement.
La célébration de la Korité est imminente.
Les Sénégalais ont la manie de célébrer ce jour à leur guise. Bientôt c’est la
fin du Ramadan. Et les préparatifs vont bon train. A Pikine, précisément au
marché Zinc sis à Icotaf, les gens préparent la fête chacun avec la bourse dont
il dispose. Ce marché très populaire et réputé pour sa forte affluence vit les
dernières heures du Ramadan. En ce jour du 5 juillet 2016, les clients sont
venus plus nombreux que d’habitude. Sur la route Serigne Mansour qui mène vers
le terminus Fadilou Diop, il est très difficile de se frayer un chemin. Chaleur
caniculaire, vrombissement de voitures, trafic entrecoupé et embouteillage n’ont
pas empêché le commerce et le marchandage. Vêtue d’un boubou wolof rouge,
pochette blanche à la main, lunettes noires sur le visage émacié, Soda SALL la
trentaine, confie : «je fréquente souvent ce marché surtout dans les
grandes périodes de fête car on y vend des tissus de bonne qualité». De loin,
elle indique la boutique où elle est habituée à faire ses achats. Dans cette
boutique bien achalandée de tissus de diverses couleurs rangés dans des comptoirs
superposés, on peut y trouver toute sorte de tissus selon sa préférence.
«A chaque fois que j’arrive ici je suis
toujours plongée dans l’embarras du choix», finit par dire Ndèye Binta NIANG,
une cliente rencontrée dans les lieux. Marie DIOUF, quant à elle avoue, qu’ :«à chaque fois que je
quitte chez moi pour venir ici j’ai très souvent en tête le tissu que je vais
acheter et mon bilan fixe. Mais à ma présence, je change souvent d’avis car
chez Ahmet FALL et Frères (le nom de la boutique) il y a toujours de nouvel
arrivage et je suis parfois obligée de dépenser plus que prévu». Interpellé sur
sa forte clientèle, Ahmet FALL propriétaire et gérant de la boutique, argumente : « chez nous les clientes
sont toujours bien accueillies. De plus, on leur propose des tissus de
meilleure qualité qui nous proviennent pour la plupart de l’étranger. Nous nous
approvisionnons en Inde, au Dubaï, au Luxembourg et en Thaïlande». Ce dernier
renchérit : «les clientes viennent ces temps-ci très nombreuses parce
qu’il y a la Korité qui doit avoir lieu cette semaine. Le mètre de tissu varie
selon la qualité de celui-ci. Il y a des tissus qui coûtent entre 5.000, 10.000,
25.000 et même 50.000 FCFA, le mètre».
Dans ce marché grouillant de têtes
humaines, vendeurs, tailleurs et clients partagent la même préoccupation: tirer
le meilleur, en perspective de la fête. «Gagnila», dentelle, basin riche et «getzner»
sont les tissus en vogue cette année. Alors que chez quelques-uns des
commerçants l’on ne se plaint pas. Du côté des tailleurs, «malgré la récurrence
des coupures de courant momentanées», reconnait Amadou FAYE qui assure par
ailleurs que «tous les engagements envers les clients seront entièrement
respectés». «Moi, je ne suis pas de ces tailleurs qui prennent des
engagements sans les honorer ou qui prennent les tissus des clients et les
vendent ensuite. Pour preuve, ce tissu (indiqué du doigt) que vous voyez son
propriétaire viendra le récupérer ce soir à 21 heures et il ne reste que
quelques retouches pour finir le complet». D’ordinaire, c’est à 15 heures que
le marché Zinc se vide de son monde. Mais aujourd’hui on échappe à cette
tradition. Korité oblige! Dans ce plus grand marché de la banlieue, y règne une
ambiance de fête. «C’est très difficile de se faire une place, à cette heure de
la journée», lance un passant (qui n’est apparemment pas venu faire des achats).
Clients, commerçants, tabliers et autres vendeurs envahissent les lieux et y
foisonnent.
Des marchands ambulants, eux, exposent
des chausseurs, des sacs et d’autres accessoires sur le trottoir. Samba DIA,
jeune vendeur à la sauvette, explique : «la Korité est une bonne
opportunité pour nous petits bosseurs de se frotter les mains. Malgré nos
accessoires nous parvenons à grappiller une somme plus ou moins conséquente
pour passer la fête avec la famille». Juste à quelques enjambées de son étal, Arona
SENE âgé de vingt-cinq ans originaire de la région de Fatick, commente : «A
chaque fois que nous fêtons la Korité ou la Tabaski, je quitte Fatick où je
tiens une petite boutique pour venir à Dakar écouler ma marchandise. L’année
dernière à cette période j’étais au marché HLM mais cette année j’ai décidé de
venir au marché Zinc car certains amis commerçants m’ont dit qu’ici je peux me
faire de bénéfices et je peux avancer que je n’ai pas regretté d’être là». Toutefois,
questionné sur son chiffre d’affaire de la journée ce jeune homme préfère
répondre tout en esquissant un sourire : «je rends apparemment grâce
au Seigneur».
Sur l’allée de la Sonatel Orange non loin
de la station Total, la chaussée «impraticable» en ce début de week-end, est
occupée par de nouvelles cantines érigées à l’occasion de la fête. Ibrahima
DIENG dit avoir reconnu occuper la place illégalement parce «je ne dispose pas
de cantine dans ce marché pour manque de moyens, mais je paie la taxe qui s’élève
à 300 FCFA la journée. Pendant les préparatifs pour la Korité, je parviens à m’en
sortir. Je me ravitaille au marché Colobane et je viens écouler mes produits à
Pikine. Et je me désole du fait que l’on ne fête pas la Korité dix fois l’année».
Même si le marché Zinc est pris d’assaut par les clients en ces veilles de
Korité, les affaires ne marchent pas encore fort pour certains commerçants. Pour
cause, «les gens viennent marchander, mais n’achètent pas», renseigne Oulèye
BA, vendeuse de vêtements pour enfant. Elle vend également des pots de fleurs. «Je
suis arrivée au marché Zinc de Pikine vers 10 heures mais je n’ai encore rien
vendu», se lamente-t-elle. Elle poursuit : «mes marchandises me
proviennent de Chine. Je les vends à 1.500 FCFA l’unité et je considère que ce
prix est abordable pour la clientèle».
Les périodes de vente pour la fête riment
également avec l’amoindrissement des prix des articles. A l’approche de chaque
fête, les commerçants ont coutume de réduire le prix des marchandises. C’est le
cas de Fatou DIOP qui est dans ce marché
depuis 2015. «Chaque année, à l’approche des grandes fêtes, je fais de bonnes
affaires en misant sur la réduction de mon commerce». A côté de sa boutique, de
jeunes commerçants forment un groupe. Ils font l’animation psalmodiant de
belles mélopées et ponctuant quelques pas de danse. Tissus, chaussures, sacs,
bracelets…sont accrochés ou tout simplement mis par terre. Les clientes se
donnent à cœur joie. Dans une des cantines, la possibilité de marchander n’est
pas offerte à la clientèle. Chez Pape FALL, par exemple, les prix sont
forfaitaires. Mais il y a pour toutes les bourses et les prix varient entre 500
à 8.000 FCFA. La fin du mois de Ramadan est marquée, au Sénégal, par la fête de
la Korité qui sera suivie, deux mois environ, par la plus grande fête
musulmane, la Tabaski en l’occurrence.
Lamine DIAGNE